Thursday, 9 October 2025

The Drumbeat of War

Hear the drumbeats. You can hear them in the cadence and the catchphrases of America’s new “War Department.” War, war, war. In a blunt address to U.S. generals and admirals at Quantico on September 30, Secretary of War, Pete Hegseth declared the “era of the Department of Defense is over,” promising a force singularly focused on lethality and “peace through strength.” He derided “woke garbage,” vowed “no more beardos,” and said combat jobs would return to “the highest male standard only.” The tone was triumphalist, the message unmistakable: prepare for war.  


 

That speech landed just days after Hegseth refused to rescind Medals of Honor given to U.S. soldiers for their role in the 1890 Wounded Knee massacre, where more than 250 Lakota, mostly women and children were slaughtered. “Under my direction, the soldiers who fought at the Battle of Wounded Knee will keep their medals… This decision is final,” he announced. Native leaders called the move a fresh wound; South Dakota outlets and national wires documented the outrage from the Oglala Sioux Tribe and others. It’s a decision that reveals a mindset, not only about history, but about the future.  

 

As a Canadian, a veteran and a former Member of Parliament, I hear those drumbeats with unease. Language matters. So do symbols. Medals are supposed to mark extraordinary courage in the service of life amid the horror of war. Awarding and now pointedly protecting honours tied to the killing of unarmed women and children is not a neutral act. It is a declaration about whose lives are grievable and whose are expendable. When the United States’ senior war-maker shrugs at that moral line, allies should pay attention.

 

The historical record is not murky. Wounded Knee happened on December 29, 1890. More than 250 Lakota were killed; 19 Medals of Honor were awarded specifically for actions at Wounded Knee (31 across the campaign). Even the U.S. Congress, in 1990, passed a resolution expressing “deep regret.” Across decades, Indigenous nations and legislators have pressed to “remove the stain.” The latest push in South Dakota’s legislature and on Capitol Hill, preceded Hegseth’s rejection. That refusal, now paired with a culture-war speech to the brass, is why the world should be nervous.  

 

We’ve seen this pattern before in smaller ways: cleanse the language, harden the posture, and redraw the circle of belonging. The Quantico speech was not only about ships, budgets, or munitions. It was about culture. When a government rebrands “defence” as “war,” narrows who is fit to serve and relaxes oversight mechanisms it calls “weaponized,” it is building an institution that tolerates more harm at home and abroad. The secretary promised to loosen rules of engagement “untie the hands of our warfighters” and to prize “maximum lethality.” That should make democracies everywhere pause. Lethality is sometimes necessary; celebrating it is something else.  


 

Canadians have long lived beside a superpower that oscillates between restraint and righteous force. We are a middling country, yes, but we have tried to be a principled one. Our security is bound to our neighbour’s choices. If our neighbour respects human rights, we are safer. If our neighbour recasts history’s atrocities as valour and promises “overwhelming and punishing violence,” we will feel the shockwaves in NATO councils, in NORAD, in global law and on Main Streets from Winnipeg to Whitehorse.  

 

Democracy is in retreat worldwide. At such a moment, leadership is tested not only by how it fights but by what it honours. Rescinding those Medals of Honor would not erase history; it would finally name it. It would align American power with American principles, the same principles that inspired the 1990 congressional regret and decades of advocacy by Lakota families who still gather each December to remember their dead. 

You can hear the drums. But we are not required to march in step. Let us not repeat the savagery of the last century, nor salt the earth for our children. Peace, if it is to mean anything, must be law before force, memory before myth, and human dignity before medals.

Au rythme du tambour de guerre

Entendez les tambours. On les entend dans le rythme et les slogans du nouveau « ministère de la Guerre » américain. Guerre, guerre, guerre. Dans un discours sans détour prononcé devant les généraux et amiraux américains à Quantico le 30 septembre, le secrétaire à la Guerre, Pete Hegseth, a déclaré que « l’ère du Département de la Défense est terminée », promettant une armée entièrement tournée vers la létalité et la « paix par la force ». Il a raillé les « âneries woke », juré qu’il n’y aurait « plus de barbus » et affirmé que les postes de combat reviendraient aux « normes masculines les plus élevées ». Le ton était triomphaliste, le message clair : préparez-vous à la guerre.


Ce discours est survenu quelques jours à peine après qu’Hegseth eut refusé de retirer les médailles d’honneur décernées à des soldats américains pour leur rôle dans le massacre de Wounded Knee en 1890, où plus de 250 Lakotas, pour la plupart des femmes et des enfants, furent exterminés. « Sous ma direction, les soldats qui ont combattu à la bataille de Wounded Knee conserveront leurs médailles… Cette décision est finale », il a annoncé. Les dirigeants autochtones ont qualifié ce geste de nouvelle blessure ; les médias du Dakota du Sud et les grandes agences nationales ont relayé l’indignation de la tribu Oglala Sioux et d’autres nations. Cette décision révèle un état d’esprit, non seulement à propos du passé, mais aussi de l’avenir.

En tant que Canadien, vétéran et ancien député, j’entends ces tambours avec inquiétude. Les mots comptent. Les symboles aussi. Les médailles sont censées souligner un courage extraordinaire au service de la vie au milieu de l’horreur de la guerre. Décerner et désormais protéger délibérément des honneurs associés au meurtre de femmes et d’enfants désarmés n’est pas un acte neutre. C’est une déclaration sur les vies qui méritent d’être pleurées et celles qui peuvent être sacrifiées. Lorsque le plus haut responsable militaire des États-Unis franchit sans remords cette ligne morale, les alliés devraient y prêter attention.

Les faits historiques, eux, ne sont pas ambigus. Wounded Knee a eu lieu le 29 décembre 1890. Plus de 250 Lakotas ont été tués ; 19 médailles d’honneur ont été décernées spécifiquement pour des actions à Wounded Knee (31 pour l’ensemble de la campagne). Même le Congrès américain, en 1990, a adopté une résolution exprimant ses « profonds regrets ». Depuis des décennies, des nations autochtones et des parlementaires réclament de « retirer la tache ». La dernière initiative, aux législatures du Dakota du Sud et à Washington, a précédé le refus d’Hegseth. Ce refus, désormais accompagné d’un discours de guerre culturelle adressé aux hauts gradés, est la raison pour laquelle le monde devrait s’inquiéter.

Nous avons déjà vu ce scénario, à plus petite échelle : purifier le langage, durcir la posture et redéfinir qui appartient au cercle. Le discours de Quantico ne portait pas seulement sur les navires, les budgets ou les munitions ; il portait sur la culture. Lorsqu’un gouvernement rebaptise la « défense » en « guerre », restreint qui est jugé apte à servir et affaiblit les mécanismes de contrôle qu’il qualifie d’« instrumentalisés », il construit une institution prête à tolérer davantage de violence, ici comme ailleurs. Le secrétaire a promis d’assouplir les règles d’engagement « délier les mains de nos combattants »  et d’exalter la « létalité maximale ». Les démocraties devraient y réfléchir sérieusement. La létalité est parfois nécessaire ; la glorifier en est une autre.


Les Canadiens vivent depuis toujours à côté d’une superpuissance oscillant entre retenue et force justicière. Nous sommes un pays moyen, certes, mais nous avons cherché à être un pays de principes. Notre sécurité dépend des choix de notre voisin. Si ce voisin respecte les droits humains, nous sommes plus en sécurité. S’il transforme les atrocités de l’histoire en actes de bravoure et promet une « violence écrasante et punitive », nous en sentirons les secousses dans les conseils de l’OTAN, au NORAD, dans le droit international et jusque sur nos rues principales, de Winnipeg à Whitehorse.

La démocratie recule partout dans le monde. En pareil moment, le leadership se mesure non seulement à la manière de combattre, mais aussi à ce que l’on choisit d’honorer. Retirer ces médailles d’honneur ne réécrirait pas l’histoire ; cela la nommerait enfin. Cela alignerait la puissance américaine sur ses propres principes, ceux-là mêmes qui inspirèrent les regrets du Congrès en 1990 et des décennies de militance des familles lakotas, qui se réunissent encore chaque décembre pour se souvenir de leurs morts.

On peut entendre les tambours. Mais nous ne sommes pas obligés d’en suivre le rythme. Ne répétons pas la sauvagerie du siècle dernier et la deuxième guerre mondiale, ne semons pas de sel sur la terre destinée à nos enfants. Si la paix doit signifier quelque chose, qu’elle soit la primauté du droit sur la force, de la mémoire sur le mythe et de la dignité humaine sur les médailles.

Ils ont commencé le battement hypnotique,
          le tambour résonne dans le ventre du monde.
                          Le peuple peut-il résister ?
                                            La terre entière marchera-t-elle vers la guerre ?

 

Tuesday, 30 September 2025

Confronting Denial: The Truth About Residential Schools

When Frances Widdowson, a former professor at Mount Royal University, recently spoke at the University of Manitoba and the University of Winnipeg, she brought with her a familiar message: doubt. She questioned the graves of Indigenous children found across the sites of residential schools in Canada, reviving a narrative of denial that has become louder in some circles.

Widdowson, dismissed from her former post for controversial views on Indigenous issues, has written extensively about what she calls the “Aboriginal industry.” She frames the story of Indigenous suffering as inflated, the voices of survivors as suspect. To some, she represents academic freedom. To others, she is a voice determined to minimize truth.


Truth from Lived Experience

Last week, my own commanding officer at my military unit the Fort Garry Horse, where I serve as an officer, chaplain and Indigenous Knowledge Keeper, organized an evening of reflection for the National Day for Truth and Reconciliation. I spoke that night about my family’s experience.

My father and grandmother both attended residential schools in Saskatchewan. Their lives were profoundly shaped by those institutions. The harm was not abstract; it was lived, felt, carried into the next generations. It made me homeless a young child, my mother called it “camping.”

As a Member of Parliament in 2015, I was present when the Truth and Reconciliation Commission released its final report. We learned then what many already knew: at least 4,000 children died in residential schools. Their names were recorded, their deaths documented. Many were buried in unmarked graves on school grounds. The federal government knew these children were dying at far higher rates than other Canadian children. Officials tracked this information. And then, for decades, they hid it.

Facing the Facts

Those who say “show me the bodies” ignore the record. We already have thousands of names. We already know that children died, were buried and were never returned home. Behind every number was a child with a mother, a father, siblings, and extended family. These children were loved. They were wanted. They were taken.

It is easier, perhaps, for some to deny than to confront the complicity of government and churches in crimes that stretch across generations. Some cling to the belief that their faith institutions could not possibly have sanctioned such harm. But denial does not erase truth. And refusing to face it dishonours not only the children but also the survivors who have carried their stories forward.

Beyond the Past

We tell ourselves these tragedies belong to “old Canada,” that such things could never happen again. Yet today, Indigenous children across Canada are still taken into the care of the state at rates far, far higher than other children. Child welfare has become the new residential school system, the removing of children from their families, culture and communities under the guise of protection.

This is not only a Canadian story. Around the world, Indigenous children remain targets of state power. In Greenland, in Tibet, among Uyghur communities in China, governments continue to erase cultures by severing children from their roots.

The Role of Debate

Should Widdowson be banned from speaking? I believe not. Silencing her will not silence denial. Instead, we must debate her and others like her, confronting them with facts, with lived truth, with the voices of survivors and families who still mourn.

When denialists speak, it is not only history they distort but the humanity of the children who never came home. Confronting that denial is not just about setting the record straight, it is about ensuring those children are not erased a second time.

A Call to Remember

On September 25, as I spoke about my family, I thought of those 4,000 children whose lives were cut short. They cannot speak for themselves. We, the living, must speak for them. We owe them truth.

The history of residential schools is not up for debate. What remains in question is whether we have the courage to carry that truth forward and ensure no more Indigenous children are lost to systems that continue to refuse to see their worth.


https://ici.radio-canada.ca/espaces-autochtones/2195920/pensionnats-autochtones-deni-verite-negation 

 

Affronter le déni : la vérité sur les pensionnats autochtone

Quand Frances Widdowson, ancienne professeure à l’Université Mount Royal, est venue récemment à l’Université du Manitoba et à l’Université de Winnipeg, elle a apporté avec elle un message familier : le doute. Elle a remis en question les tombes d’enfants autochtones retrouvées sur les sites des pensionnats au Canada et a ravivé un récit de déni qui prend de plus en plus de place dans certains milieux.

 

Widdowson, congédiée de son ancien poste pour ses positions controversées sur les questions autochtones, a beaucoup écrit sur ce qu’elle appelle « l’industrie autochtone ». Elle présente l’histoire de la souffrance des peuples autochtones comme exagérée et considère les voix des survivants comme suspectes. Pour certains, elle incarne la liberté académique. Pour d’autres, elle est une voix déterminée à minimiser la vérité.

 


Une vérité vécue

 

La semaine dernière, mon commandant de l’unité militaire Fort Garry Horse, où je sers comme officier, aumônier et gardien du savoir autochtone, a organisé une soirée de réflexion pour la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation. Ce soir-là, j’ai parlé de l’expérience de ma famille.

 

Mon père et ma grand-mère ont tous deux fréquenté les pensionnats en Saskatchewan. Leurs vies ont été profondément marquées par ces institutions. Le mal n’était pas abstrait, il était vécu, ressenti et transmis aux générations suivantes. Cela m’a laissé sans-abri lorsque j’étais enfant et ma mère appelait cela « faire du camping ».

 

Comme député en 2015, j’étais présent lors de la publication du rapport final de la Commission de vérité et réconciliation. Nous avons appris alors ce que beaucoup savaient déjà, qu’au moins 4 000 enfants étaient morts dans les pensionnats. Leurs noms ont été consignés et leurs décès documentés. Beaucoup ont été enterrés dans des tombes anonymes sur les terrains des écoles. Le gouvernement fédéral savait que ces enfants mouraient à des taux bien plus élevés que les autres enfants canadiens. Les fonctionnaires ont suivi cette information et ensuite, pendant des décennies, ils l’ont cachée.

 

Faire face aux faits

 

Ceux qui disent « montrez-moi les corps » ignorent les archives. Nous avons déjà des milliers de noms. Nous savons déjà que des enfants sont morts, qu’ils ont été enterrés et qu’ils ne sont jamais rentrés chez eux. Derrière chaque chiffre se trouvait un enfant avec une mère et un père et des frères et sœurs et une famille élargie. Ces enfants étaient aimés. Ils étaient désirés. Ils ont été arrachés.

 

Il est plus facile pour certains de nier que de confronter la complicité du gouvernement et des Églises dans des crimes qui s’étendent sur des générations. Certains s’accrochent à la croyance que leurs institutions religieuses n’auraient jamais pu permettre un tel mal. Mais le déni n’efface pas la vérité. Et refuser de l’affronter déshonore non seulement les enfants mais aussi les survivants qui ont porté leurs récits jusqu’à nous.

 

Au-delà du passé

 

Nous nous disons que ces tragédies appartiennent au « vieux Canada » et qu’une telle chose ne pourrait plus jamais se reproduire. Pourtant aujourd’hui, des enfants autochtones partout au Canada sont encore placés sous la tutelle de l’État à des taux bien, bien plus élevés que les autres enfants. La protection de l’enfance est devenue le nouveau système de pensionnats, en retirant les enfants de leurs familles et de leur culture et de leurs communautés sous prétexte de protection.

 

Ce n’est pas seulement une histoire canadienne. Partout dans le monde, les enfants autochtones demeurent la cible des pouvoirs étatiques. Au Groenland et au Tibet et parmi les communautés ouïghoures en Chine, les gouvernements continuent d’effacer des cultures en arrachant les enfants à leurs racines.

 

Le rôle du débat

 

Faut-il interdire à Widdowson de parler? Je ne le crois pas. La réduire au silence ne réduira pas le déni au silence. Nous devons plutôt la confronter, elle et d’autres comme elle, avec des faits et des vérités vécues et avec les voix des survivants et des familles qui pleurent encore.

 

Quand les négationnistes parlent, ce n’est pas seulement l’histoire qu’ils déforment mais l’humanité des enfants qui ne sont jamais revenus chez eux. Affronter ce déni ne consiste pas seulement à rétablir les faits, cela consiste à veiller à ce que ces enfants ne soient pas effacés une seconde fois.

 

Un appel au souvenir

 

Le 25 septembre, lorsque j’ai parlé de ma famille, j’ai pensé à ces 4 000 enfants dont la vie a été écourtée. Ils ne peuvent pas parler pour eux-mêmes. Nous, les vivants, devons parler pour eux. Nous leur devons la vérité.


L’histoire des pensionnats autochtones n’est pas un sujet de débat. La vraie question est de savoir si nous aurons le courage de porter cette vérité en avant et de veiller à ce qu’aucun autre enfant autochtone ne soit perdu à des systèmes qui continuent de refuser de reconnaître leur valeur. 

 

Rien à voir ici, continuez vos affaires
Les jeunes se blessaient elles-mêmes
Nous avons essayé de les sauver
C’est leur faute, toujours leur faute
Si seulement ils faisaient ce qu’on leur dit 


https://ici.radio-canada.ca/espaces-autochtones/2195920/pensionnats-autochtones-deni-verite-negation

Wednesday, 17 September 2025

What falling birth rates mean for Indigenous peoples in Canada

Elon Musk warns of “population collapse.” Taking the very long view, he is not wrong: if humanity stopped having children, one day there would be none of us left. But on the timelines most of us live in, the lives of this generation and the next, the question is less apocalyptic and more intimate: what kind of future are we preparing for our children, and will our peoples still recognize ourselves in it?


For Indigenous peoples in Canada, the story of population has never been abstract. We were once spoken of in the past tense. Yet in spite of everything, we are still here, and not by accident. Families, aunties, kokums and moshums, communities and ceremonies protected life. As Jody Wilson-Raybould once told me in Parliament, after hearing how many children I had: “You are blessed.” For years, I had heard the opposite, that children are a burden, a career problem, “too many.” But anyone who has ever been on the powwow trail with toddlers knows the truth: children can be difficult, hilarious, generous, exhausting, and they are the reason we keep going.

In our teachings, the Eastern direction is where the sun rises and where the children come from, the first light of a new day. Children are not an afterthought to policy; they are the policy. We begin our prayers with them because they are the future.

The numbers: Canada is at a record low

Canada’s total fertility rate, the average number of children per woman, hit 1.33 in 2022, the lowest on record (replacement is about 2.1). In 2023 it fell again. At the same time, nearly all of Canada’s population growth came from international migration: 97.6% in 2023, with natural increase contributing just 2.4%. Ottawa plans to admit 485,000 new permanent residents in 2024 and half a million in both 2025 and 2026.

These facts sit uneasily together: fewer babies, more newcomers. It is a recipe for rapid demographic change, especially in cities where most Indigenous people now live.

Indigenous fertility: convergence with the rest of Canada

A recent peer-reviewed analysis shows Indigenous fertility has fallen below replacement and is converging with non-Indigenous levels. The Indigenous fertility rate hovered around replacement in 2001–2011, slipped to 1.82 in 2016 and 1.54 in 2021. Within that average, Inuit remain above replacement (about 2.6 in 2021), Status First Nations fell to 1.8, while Métis and non-status First Nations stayed well below replacement (around 1.2).

The gap with non-Indigenous Canadians has narrowed to almost nothing. The direction is unmistakable: Indigenous birth rates are falling.

Will we disappear?

Some fear that low fertility plus high immigration means Indigenous peoples will fade into a footnote. I do not accept that. Existence is not arithmetic; it is governance, land, language, culture and law. Our survival never depended only on birth rates. If it had, the last century might have ended us. We are still here because we insisted on being ourselves, raising children in the circle of kinship, ceremony and responsibility.

Still, low fertility has consequences. We should plan for them, our way, on our terms.

A word about blessings

There is a reason Elders smile when a baby crawls into the circle. Children are the living argument for hope. They are not “monsters.” They are teachers of patience, humility and love. They turn strangers into aunties. They remind leaders why budgets exist. They dance us forward.

Too often, when Indigenous families welcome children, the reaction from outside is cynical: “another mouth to feed,” or worse, “another government file to open.” Instead of suspicion, let us celebrate Indigenous families. Let us help them, not take their children away. Let us remember that every child is a blessing, and every family that raises them in love and culture is a success story.

For generations, governments sought to control our children in order to control our future. Residential schools, the Sixties Scoop, child welfare policies—all were designed to break our nations by breaking our families. But our children are still here, and they remain our future. Protecting and raising them in our ways is how we shape who we are and who we will become.

Canada’s fertility is at record lows. Immigration is at record highs. Indigenous birth rates, except among Inuit, now sit below replacement. Those are the facts. The question is not whether we can “out-breed” change. It is whether we will out-love and out-govern it, making this country and our communities places where raising a child is once again understood as a blessing.

When we pray in the morning, we face East to greet the sun and to honour the children. The day is new. So is the future. And we are still here.

https://www.demographic-research.org/articles/volume/53/6/


1960s–1970s: TFRs for First Nations women were very high, often above 6 children per woman in the 1960s. 

By the 1970s, fertility had already begun to decline significantly (part of the global fertility transition), but remained well above the Canadian average. 

For example, Ram (2004) estimated Aboriginal fertility around 6.8 in 1966–1971, declining to 4.0 by 1976–1981

1980s–1990s: Continued decline, but still relatively high compared to non-Indigenous women. 

By 1996–2001, First Nations women’s TFR was around 2.9, compared with 1.5–1.6 for non-Indigenous women

2000s–2010s: 

2001: Status Indian TFR = 2.45 

2006: 2.39 

2011: 2.55 

2016: 2.11 

2021: 1.82 (below replacement)

Que signifient les taux de natalité en baisse pour les peuples autochtones au Canada

Elon Musk met en garde contre « l’effondrement démographique ». À très long terme, il n’a pas tort : si l’humanité cessait d’avoir des enfants, il n’y aurait plus personne un jour. Mais sur les horizons qui nous concernent, ceux de cette génération et de la suivante, la question est moins apocalyptique qu’intime : quel avenir préparons-nous à nos enfants et nos peuples s’y reconnaîtront-ils encore ?


Pour les peuples autochtones du Canada, la question démographique n’a jamais été abstraite. On nous a déjà parlés au passé. Pourtant, malgré tout, nous sommes encore là, et ce n’est pas un hasard. Les familles, les tantes, les kokums et les moshums, les communautés et les cérémonies ont protégé la vie. Comme me l’a dit un jour Jody Wilson-Raybould au Parlement, après avoir appris combien j’avais d’enfants : « Tu es béni. » Pendant des années, j’ai entendu le contraire : que les enfants sont un fardeau, un obstacle à une carrière, « trop nombreux ». Mais quiconque a déjà parcouru le pow-wow avec des tout-petits connaît la vérité : les enfants peuvent être exigeants, drôles, généreux, épuisants, et ils sont la raison pour laquelle nous continuons.


Dans nos enseignements, l’Est est la direction où le soleil se lève et d’où viennent les enfants, la première lumière d’un nouveau jour. Les enfants ne sont pas un détail secondaire des politiques ; ils en sont le cœur. Nous commençons nos prières avec eux, parce qu’ils sont l’avenir.



Les chiffres : un record de faiblesse au Canada

 

Le taux de natalité total du Canada, c’est-à-dire le nombre moyen d’enfants par femme, a atteint 1,33 en 2022, le niveau le plus bas jamais enregistré (le seuil de remplacement étant d’environ 2,1). En 2023, il a encore diminué. En même temps, presque toute la croissance démographique provenait de l’immigration internationale : 97,6 % en 2023, contre seulement 2,4 % pour l’accroissement naturel. Ottawa prévoit d’admettre 485 000 nouveaux résidents permanents en 2024 et un demi-million en 2025 et 2026.

 

Ces faits se côtoient difficilement : moins de bébés, plus de nouveaux arrivants. C’est une recette pour un changement démographique rapide, surtout dans les villes où vit désormais la majorité des Autochtones.

 

La natalité autochtone : une convergence avec le reste du Canada

 

Une analyse récente montre que la natalité autochtone est passée sous le seuil de remplacement et converge avec celle des non-Autochtones. Le taux de natalité autochtone s’est maintenu près du remplacement entre 2001 et 2011, mais il est tombé à 1,82 en 2016 et 1,54 en 2021. Dans cet ensemble, les Inuits demeurent au-dessus du remplacement (environ 2,6 en 2021), les Premières Nations inscrites sont tombées à 1,8, tandis que les Métis et les Premières Nations non inscrites sont restés nettement en dessous (environ 1,2).

 

L’écart avec les Canadiens non autochtones s’est presque effacé. La direction est claire : les taux de natalité autochtones baissent.

 

Allons-nous disparaître ?

 

Certains craignent que la faible natalité combinée à une immigration élevée ne relègue les peuples autochtones à une note de bas de page. Je n’y crois pas. L’existence n’est pas une affaire d’arithmétique ; c’est une affaire de gouvernance, de terres, de langues, de culture et de lois. Notre survie n’a jamais dépendu uniquement des naissances. Si cela avait été le cas, le siècle dernier aurait pu nous faire disparaître. Nous sommes encore là parce que nous avons insisté pour être nous-mêmes, en élevant nos enfants dans le cercle de la parenté, de la cérémonie et de la responsabilité.

 

Cependant, la baisse de la fécondité a des conséquences. Nous devons les anticiper, à notre façon et selon nos termes.

 

Il y a une raison pour laquelle les Aînés sourient lorsqu’un bébé rampe dans le cercle. Les enfants sont l’argument vivant en faveur de l’espoir. Ils ne sont pas des « petits monstres ». Ce sont des enseignants de patience, d’humilité et d’amour. Ils transforment des étrangers en tantes. Ils rappellent aux dirigeants pourquoi les budgets existent. Ils nous font avancer en dansant.

Trop souvent, quand une famille autochtone accueille un enfant, la réaction extérieure est cynique : « une autre bouche à nourrir », ou pire, « un autre dossier pour un organisme gouvernemental. » Au lieu de suspicion, célébrons les familles autochtones. Aidons-les, ne leur enlevons pas leurs enfants. Souvenons-nous que chaque enfant est une bénédiction, et que chaque famille qui l’élève dans l’amour et la culture est une réussite.

 

Pendant des générations, les gouvernements ont voulu contrôler nos enfants afin de contrôler notre avenir. Les pensionnats, la rafle des années 1960, les politiques de protection de l’enfance, tout cela visait à briser nos nations en brisant nos familles. Mais nos enfants sont encore là, et ils demeurent notre avenir. Les protéger et les élever selon nos façons est la manière de façonner qui nous sommes et qui nous serons.

 

Quand nous prions le matin, nous faisons face à l’Est pour saluer le soleil et honorer les enfants. Le jour est nouveau. L’avenir aussi. Et nous sommes toujours là.


https://www.demographic-research.org/articles/volume/53/6/ 

 

Enfants, petits « monstres » ou trésors éclatants,
Sans eux, qui porterait nos chants ?
Sans leurs rires, serions-nous encore ici ?
Peuples autochtones, l’avenir vit en eux, infini.


Taux de fécondité total (TFT) historique pour les Premières Nations / Indiens inscrits

Années 1960–1970 :
Les TFT des femmes des Premières Nations étaient très élevés, souvent au-dessus de 6 enfants par femme dans les années 1960.

Dès les années 1970, la fécondité avait déjà commencé à baisser de façon significative (faisant partie de la transition démographique mondiale), mais elle demeurait bien supérieure à la moyenne canadienne.

Par exemple, Ram (2004) estimait la fécondité autochtone à environ 6,8 en 1966–1971, chutant à 4,0 entre 1976–1981.

Années 1980–1990 :
Le déclin s’est poursuivi, mais les taux demeuraient relativement élevés comparativement aux femmes non autochtones.

Entre 1996–2001, le TFT des femmes des Premières Nations se situait autour de 2,9, comparativement à 1,5–1,6 pour les femmes non autochtones.

Années 2000–2010 :

  • 2001 : TFT des Indiens inscrits = 2,45
  • 2006 : 2,39
  • 2011 : 2,55
  • 2016 : 2,11
  • 2021 : 1,82 (en dessous du seuil de remplacement)

 

Thursday, 11 September 2025

Canada violates UNDRIP with Bill C-5

Last week, I attended the Assembly of First Nations Annual General Assembly in Winnipeg. Hundreds of Chiefs and leaders gathered in ceremony, dialogue and resolution. But beneath the songs and smudges, a quiet alarm was ringing. That alarm has a name, Bill C-5, known as the One Canadian Economy Act.



Two key resolutions were passed. One calls for a delay in the implementation of the Building Canada Act, a part of Bill C-5. The other calls for a massive investment to close the First Nations infrastructure gap. At their heart, both resolutions call on Canada to pause, listen and honour its legal and moral obligations to Indigenous Peoples.

Bill C-5 gives sweeping powers to Cabinet to fast-track what are called “nation building” projects. These include highways, ports, nuclear facilities and pipelines. These projects can now be designated as being in the national interest with limited oversight and very little consultation. First Nations fear that this Act returns Canada to a past era when the government made decisions about our lands without our voices or our consent.

This is not fearmongering. The Act was passed in just twenty days. That is not consultation. That is not co-development. That is not free, prior and informed consent, the very foundation of the United Nations Declaration on the Rights of Indigenous Peoples, or UNDRIP. And here is the most troubling part. Canada passed a law in 2021, the UNDRIP Act, which made those principles part of Canadian law. That law obliges the federal government to consult, cooperate and obtain consent from Indigenous Peoples before adopting any measure that affects us.

The implementation of Bill C-5 may very well be a violation of that law. It raises the possibility of legal action. First Nations governments could, if they choose, bring forward a legal challenge stating that the Crown has breached its duty to consult and has failed to uphold the requirements of the UNDRIP Act and Section 35 of the Constitution. The government may have passed Bill C-5, but that does not make it immune from the courts or from accountability.

Many of the Chiefs I spoke with were stunned to see that Indigenous Member of Parliament voted in favour of this bill; Liberal, Conservative and NDP members including Jaime Battiste, Rebecca Chartrand and Mandy Gull Masty, supported the legislation. Yes, they represent all Canadians, but they also hold a sacred responsibility to ensure Indigenous voices are heard. They had a chance to stand up and they stood down.

One Chief told me, “If Jody Wilson Raybould or Robert Falcon Ouellette were still in Parliament, this bill would not have passed like this. Mark Carney would have had to sit down with us and talk.” Perhaps. But more importantly, our people would have had someone willing to speak the uncomfortable truths aloud, even when it is not politically convenient.

We are not against nation building. We believe in the potential of this country. We want roads, energy, internet and housing. We want our children to have what every other child in Canada takes for granted. Our goal is not to stop Canada’s progress. It is to ensure that progress includes us.

Article 19 of UNDRIP is clear. You cannot make laws that affect Indigenous Peoples without consulting us and obtaining our free, prior and informed consent. Bill C-5 violated that principle. It passed too fast, with too little input and now risks becoming a legal and moral failure. We even passed a law which is supposed to give life to UNDRIP in Canadian laws. 

Canada must pause the implementation of the Building Canada Act and return to the table. Real dialogue is still possible, but only if the government is prepared to treat First Nations as equal partners, not as afterthoughts.

We have come too far to go back now.

 

Le Canada enfreint la DNUDPA avec la loi C-5

La semaine dernière, j’ai assisté à l’Assemblée générale annuelle de l’Assemblée des Premières Nations à Winnipeg. Des centaines de chefs et de dirigeants se sont réunis dans un esprit de cérémonie, de dialogue et de résolution. Mais derrière les chants et la fumée des cérémonies, une alarme discrète sonnait. Cette alarme porte un nom : le projet de loi C‑5, connu sous le nom de Loi sur une économie canadienne unifiée.

 


Deux résolutions clés ont été adoptées. L’une demande un report de la mise en œuvre de la Loi sur la construction du Canada, une partie du projet de loi C‑5. L’autre réclame un investissement massif pour combler le fossé en matière d’infrastructure dans les Premières Nations. Au fond, ces deux résolutions demandent au Canada de faire une pause, d’écouter et d’honorer ses obligations légales et morales envers les peuples autochtones.

 

Le projet de loi C‑5 accorde d’importants pouvoirs au Cabinet pour accélérer ce que l’on appelle des projets de "construction nationale". Cela inclut des autoroutes, des ports, des centrales nucléaires et des pipelines. Ces projets peuvent désormais être désignés comme étant dans l’intérêt national, avec un encadrement limité et très peu de consultation. Les Premières Nations craignent que cette loi ne ramène le Canada à une époque où les décisions concernant nos terres étaient prises sans nos voix ni notre consentement.

 

Ce n’est pas un alarmisme gratuit. La loi a été adoptée en seulement vingt jours. Ce n’est pas de la consultation. Ce n’est pas du co-développement. Ce n’est pas un consentement libre, préalable et éclairé, pourtant le fondement même de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, ou DNUDPA. Et voici l’aspect le plus troublant : le Canada a adopté une loi en 2021, la Loi sur la Déclaration des Nations Unies, qui a intégré ces principes dans le droit canadien. Cette loi oblige le gouvernement fédéral à consulter, coopérer et obtenir le consentement des peuples autochtones avant d’adopter toute mesure qui les affecte.

 

La mise en œuvre du projet de loi C‑5 pourrait très bien constituer une violation de cette loi. Elle ouvre la porte à des actions en justice. Les gouvernements des Premières Nations pourraient, s’ils le souhaitent, déposer une contestation judiciaire affirmant que la Couronne a manqué à son devoir de consultation et n’a pas respecté les exigences de la Loi sur la DNUDPA ni de l’article 35 de la Constitution. Le gouvernement a peut-être adopté le projet de loi C‑5, mais cela ne le rend pas à l’abri des tribunaux ou de la reddition de comptes.

 

Beaucoup des chefs à qui j’ai parlé étaient stupéfaits de voir que des députés autochtones ont voté en faveur de cette loi. Des élus libéraux, conservateurs et néo-démocrates, dont Jaime Battiste, Rebecca Chartrand, Leah Gazan et Mandy Gull Masty, ont soutenu ce texte législatif. Oui, ils représentent tous les Canadiens, mais ils ont aussi une responsabilité sacrée : s’assurer que les voix autochtones soient entendues. Ils ont eu l’occasion de se lever. Ils ont choisi de se taire.

 

Un chef m’a dit : « Si Jody Wilson-Raybould ou Robert Falcon Ouellette étaient encore au Parlement, ce projet de loi n’aurait jamais été adopté tel quel. Mark Carney aurait été obligé de s’asseoir avec nous pour discuter. » Peut-être. Mais plus encore, notre peuple aurait eu quelqu’un prêt à dire les vérités inconfortables à voix haute, même quand ce n’est pas politiquement opportun.

 

Nous ne sommes pas contre la construction nationale. Nous croyons au potentiel de ce pays. Nous voulons des routes, de l’énergie, de l’internet et du logement. Nous voulons que nos enfants aient ce que tous les autres enfants au Canada considèrent comme acquis. Notre objectif n’est pas de freiner le progrès du Canada, mais de veiller à ce que ce progrès nous inclue.

 

L’article 19 de la DNUDPA est clair. Il est interdit d’adopter des lois qui affectent les peuples autochtones sans nous consulter et obtenir notre consentement libre, préalable et éclairé. Le projet de loi C‑5 a violé ce principe. Il a été adopté trop rapidement, avec trop peu de participation, et il risque maintenant de devenir un échec juridique et moral. Nous avons même adopté une loi censée donner vie à la DNUDPA dans le droit canadien.

 

Le Canada doit suspendre la mise en œuvre de la Loi sur la construction du Canada et revenir à la table de discussion. Un véritable dialogue est encore possible, mais seulement si le gouvernement est prêt à traiter les Premières Nations comme des partenaires égaux, et non comme des pensées de dernière minute.

 

Nous avons fait trop de chemin pour revenir en arrière maintenant.

 

Tu m’as dit que tu serais là, mais t’as tourné la tête.
T’as donné ta voix aux puissants pendant qu’on restait muets.
La promesse est tombée, cassée comme un bâton sacré.
Et moi, j’entends encore les anciens dire : « On nous a menti. »

 

Monday, 25 August 2025

Comme le corbeau qui libère le soleil enfermé : l’art autochtone à la Plains Gallery

Au cœur du quartier Exchange de Winnipeg, la réouverture de la Plains Gallery autochtone ressemble à une renaissance. Propriété de Jacques Goddard et exploitée par lui, la galerie occupe désormais un espace quatre fois plus grand qu’auparavant, un témoignage de la vitalité de l’art autochtone et de son attrait indéniable auprès des Manitobains et au-delà. Pourtant, derrière ce succès plane une tension que les artistes autochtones connaissent trop bien : qu’est-ce que l’art autochtone et qui a le droit d’en décider? 

Lorsque j’ai parcouru la galerie avec Jacques lors de sa grande réouverture, la réponse semblait jaillir de chaque mur. Peintures, sculptures en stéatite, estampes et bijoux : des œuvres de légendes comme Jackson Beardy, Daphne Odjig et Norval Morrisseau côtoient celles de figures établies telles que Linus Woods, Alex Janvier et Jackie Traverse.

 

« La culture, les récits, l’histoire, les enseignements, tout est dans l’art, » m’a confié Jacques. « Chaque peinture, chaque sculpture porte en elle une histoire, un récit, un enseignement. »

Depuis plus de 30 ans, Goddard tisse des liens avec des artistes du Manitoba et du Nord de l’Ontario, d’abord au sein du Aboriginal Arts Group en 1995, puis comme galeriste indépendant. Sa nouvelle galerie est à la fois une célébration de la survie et un défi lancé aux attentes étroites qui ont longtemps limité la créativité autochtone.

 




Comme le corbeau qui libère le soleil : l’art autochtone contre les limites imposées 

 

Mon oncle défunt, l’artiste cri Noel Wuttunee, m’a confié en 2012 qu’il se sentait étouffé par les exigences des acheteurs. « J’aime me lancer des défis, repousser les limites de mon art, » disait-il. « Parfois, mon art ne paraît pas autochtone. Alors les gens réagissent : Nous voulons seulement acheter de l’art autochtone. Je leur réponds : Je suis Autochtone. Je suis Cri, un Nehiyawak. Donc ceci est de l’art autochtone. Et eux insistent : Ce n’est pas l’art autochtone que nous voulons. »

 

Sa frustration reflétait une vérité que beaucoup d’artistes autochtones portent : être enfermés dans une boîte. Acheteurs, collectionneurs, et même institutions veulent souvent que l’art autochtone corresponde à une image figée : perles et plumes, motifs animaliers, capteurs de rêves. Mais l’art autochtone n’est pas un costume. Ce n’est pas une idée figée du passé. C’est quelque chose de vivant, d’expérimental, de contradictoire et de moderne.

 

Morrisseau et la controverse de l’authenticité

 

Un mur de la galerie de Goddard présente une rare estampe de Norval Morrisseau. Alors que des controverses sur des contrefaçons font rage depuis quelques années, Goddard en souligne les marques de séparation des couleurs pour en prouver l’authenticité. « C’est une vraie, » dit-il avec fermeté. Mais le simple fait qu’il doive en défendre la légitimité révèle une autre tension dans le monde de l’art : le contrôle de ce qui est considéré comme réel, authentique, ou « véritablement autochtone ».

 

Or, l’art résiste aux définitions simplistes. Qu’est-ce qui rend une peinture de Morrisseau plus autochtone qu’une toile de Patrick Ross, ou qu’une œuvre contemporaine de Jackie Traverse? La vérité, c’est que toutes deux naissent de réalités autochtones. Elles sont différentes, elles parlent à des expériences différentes, et elles sont toutes deux belles.

 

Un mélange de voix anciennes et nouvelles

 

En parcourant la nouvelle Plains Gallery, la variété est frappante. Des peintures de maîtres reconnus côtoient des œuvres d’artistes en début de carrière. On y trouve de grandes et de petites sculptures, des lignes modernistes et des iconographies traditionnelles, des formes expérimentales et des symboles profondément historiques. La vision curatoriale de Goddard laisse de la place à tout cela.

 

« C’est un bon mélange, » dit-il. « Des artistes disparus, certains établis, d’autres émergents. C’est une question de continuité. Il s’agit de montrer que l’art autochtone n’est pas qu’une seule chose. »

 

Le sens plus profond

 

Ce qui compte le plus, ce n’est pas de savoir si une œuvre paraît « assez autochtone », mais si elle porte en elle un récit, une identité et un esprit. L’art est l’endroit où l’histoire et l’avenir se rencontrent, où les peuples autochtones se définissent eux-mêmes, à leurs propres conditions.

Pour moi, les paroles de mon oncle résonnent plus que jamais. Les artistes autochtones ne sont pas des reliques de musée, mais des créateurs du présent et de l’avenir. Quand Noel disait : « Je suis Cri, je suis Nehiyawak, donc ceci est de l’art autochtone », il affirmait une vérité : c’est l’artiste qui définit l’art, non l’acheteur, non le marché.

 

La réouverture de la Plains Gallery est plus qu’une simple décision d’affaires. C’est une déclaration de survie et d’autodétermination. Elle crée un espace où les artistes autochtones peuvent être libres d’être eux-mêmes, que leur travail paraisse « traditionnel » ou « moderne ». Elle affirme que l’art autochtone a sa place partout : dans la boîte, hors de la boîte, et dans des espaces que nous n’avons pas encore imaginés.

 

Le chef enferma le soleil dans son coffre scellé,
Nous sommes sombres, glacés, privés de vérité.
Mais le corbeau, refusant de plier, brisa les chaînes,
Et le peuple retrouva enfin sa lumière certaine.